Tribune

Guinée : Les candidats à la présidentielles privés de déplacement à l’étranger pendant la campagne électorale par l’avant projet de Constitution ? (Par Baïla Amadou Traoré)

L’avant-projet de la nouvelle constitution a été dévoilé par le CNT et fait l’objet actuellement d’une campagne de “vulgarisation” à travers le pays et à l’étranger.Le contexte Guinéen ne favorisant malheureusement pas actuellement un débat de fond, sain et contradictoire, autour de ce texte normalement fondateur et rassembleur, certaines dispositions importantes ou problématiques passent sous silence.C’est le cas par exemple de l’alinéa 6 de l’article 46 de l’Avant-projet qui dispose que : « Tout candidat à l'élection présidentielle est tenu d'être présent sur le territoire national, depuis le dépôt de sa candidature jusqu'à la proclamation des résultats définitifs, sauf cas de force majeure dûment constaté par la Cour constitutionnelle.»Ainsi il ressort de cette disposition une interdiction de sortie du territoire pour tous les candidats à l’élection présidentielle, à partir du dépôt des candidatures jusqu’à la proclamation définitive des résultats, y compris donc pendant la période de campagne électorale.Cette limitation de la liberté d’aller et venir des candidats a donc pour effet de priver les candidats de faire campagne à l’étranger et réduire ainsi leurs marges de manœuvre pour mobiliser des électeurs, des financements ou soutiens politiques.Subséquemment, cette disposition prive les très nombreux Guinéens établis à l’étranger, de la possibilité de rencontrer physiquement et d’écouter directement les candidats à l’élection présidentielle pendant la campagne électorale. Ce qui est une limitation de leur participation à la vie de la Nation alors que l’article 29 du même avant-projet de constitution dispose que : « Les Guinéens établis à étranger ont droit à la participation à la vie de la Nation. L'État crée les conditions nécessaires à cette participation. […] ».La question que je me pose est donc de savoir quelle est la motivation du Constituant en insérant cette disposition, qui est, sauf erreur de ma part, sans précédent dans notre histoire constitutionnelle, et je cherche encore des exemples d’une telle restriction à travers le monde, si tant est qu’ils existent.J’émets deux hypothèses complémentaires qui pourrait expliquer cette disposition.La première est que le Constituant ait voulu constitutionnaliser une certaine pratique problématique. Il faut rappeler que souvent dans notre histoire à la veille d’un scrutin présidentiel, l’autorité administrative, ferme les frontières et interdit les candidats de sortie du territoire. Ce fut le cas lors des dernières élections en 2020 mais également en 1998, lorsque le candidat Alpha Conde fut arrêté à Piné, à la frontière et accuse de complot contre la sûreté de l’Etat.La seconde hypothèse serait une raison de souveraineté nationale lorsque l’on sait que les candidats aux élections présidentielles en Guinée, à l’instar de la plupart des pays africains,  comptent souvent sur le parrainage de pays étrangers et y séjournent souvent pour mobiliser des fonds et des soutiens.J’espère éventuellement qu’un débat et des réponses du Constituant puissent apporter des éclaircissements aux citoyens sur ces points, afin de juger lucidement si les résultats attendus d'une telle disposition la justifie.Baïla Amadou Traoré,Citoyen Africain de Guinée