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"Qu’est-ce qu’un révolutionnaire" de Jorge Ricardo Massetti (29 mai 2021)

A l’heure où on confond encore souvent révolutionnaire et putschiste/opportuniste, je traduit et partage ce texte de Jorge Ricardo Masetti, journaliste argentin chevronné devenu guérillero, mort les armes à la main, qui nous livre sa définition toujours actuelle d’un révolutionnaire. Nous entendons souvent des personnes de formation idéologique très différente — si tant est qu’elles en ont une — dire qu’elles étaient des révolutionnaires. Elles s’estiment révolutionnaires parce qu’elles sont contre quelque chose. Elles pensent être des révolutionnaires parce qu’elles aspirent à lutter — encore et toujours- contre le président voleur, assassin, démagogue… ou encore peu élégant et vulgaire. Il y a des gens qui pensent qu’un régime doit être renversé parce que le président ne sait pas bien se servir des couverts, ou appartient à un milieu qui, selon eux, est de rang inférieur. Et ils se considèrent aussi comme des révolutionnaires.   C’est pourquoi dans un mouvement contre un pouvoir, des individus d’une impressionnante hétérogénéité sont enrôlés. Mais la mosaïque se brise lorsque le mouvement triomphe. Ceux qui y ont pris part, uniquement parce qu’ils étaient contre les hommes du maudit gouvernement, se heurtent irrémédiablement à leurs camarades, qui considèrent la chute de ceux qui sont au pouvoir simplement comme une étape indispensable vers la révolution.Le triomphe de l’action contre le régime a tactiquement provoqué la confrontation entre les putschistes et les vrais révolutionnaires.Beaucoup de ceux qui ont œuvré et lutté pour la chute des visages hideux de l’ancien régime, sont déçus et même préoccupés par la posture de ceux qui ne se contentent pas de cela, qui ne sont pas satisfaits d’avoir obtenu le privilège de chauffer sereinement les fauteuils de leurs prédécesseurs et qui continuent à s’agiter, à révolutionner le pays, à traquer tous les maux du système pour les éradiquer.D’autres par contre — la réaction pure — affrontent résolument les révolutionnaires, avec la vieille mais toujours efficace stratégie de s’emparer des postes importants, une opération qui favorise le désinvestissement de leurs adversaires, provoquant ainsi des conflits artificiels qui retardent et entravent l’action révolutionnaire.Les personnes indifférentes et les réactionnaires ont toujours pour intention de s’en tenir au coup d’État et de “normaliser” le pays dès que possible.Le révolutionnaire, par contre, se sent toujours obligé de se battre, de continuer à progresser.Rien ni personne ne peut arrêter ou conformer le révolutionnaire, car c’est sa vocation et son destin. S’il n’a pas d’armes, il mord. Si ses dents sont cassées, il donne des coups de pied. Et s’il est tué, il crache du sang.Mais si jamais il parvient à triompher, alors il se bat encore davantage. Car il n’affrontera plus l’ennemi déclaré qui l’attaque les armes à la main, mais il devra porter dans son propre sac à dos le poids des sournoiseries, des lèche-bottes, des calomnies et des pressions internes et externes. Il lutte d’autant plus qu’il sait que depuis le gouvernement, il n’obtiendra pas la jouissance du triomphe après chaque bataille. Et qu’après chaque combat, il n’y aura pas de trêve réparatrice.Jose Martí, dont les phrases non seulement bouleversent l’esprit, mais font trembler jusqu’aux os, affirmait que “la patrie est un autel, pas un piédestal”. Et les vrais révolutionnaires sont ceux qui savent que sur cet autel, ils offriront leur vie, leurs ambitions et ce qui est encore plus douloureux, même leur orgueil. Parce qu’ils ne seront plus “eux”, mais de simples instruments du peuple pour lequel ils se battent et s’angoissent. Parce que leur combat sera permanent, comme la révolution devra être permanente.Le révolutionnaire c’est celui que l’esprit de rébellion n’abandonne jamais. Celui qui, même s’il est membre de l’armée ou de la police, même s’il doit diriger des institutions dont l’existence est un mal nécessaire pour le bien, les déteste, car il les considère comme des menaces latentes pour les libertés publiques. Le révolutionnaire tremble au son des sirènes de police, même s’il est lui-même le chef de la police. Il ne peut concevoir les armes que dans les mains du peuple et les uniformes sur les chemises en sueur de ceux qui travaillent.Le révolutionnaire, qui a un début (le moment où il sent avec son esprit et sa chair qu’il fait partie de son peuple) n’a pas de fin.Aucun révolutionnaire ne disparaît sans prolonger sa lutte et son exemple. Son cri ne s’éteint jamais sans trouver l’écho de mille jeunes poitrines pour le renouveler. Son sang ne coagule jamais sans être assimilé à la terre pour laquelle il a saigné.C’est son unique, intime et réconfortante récompense.Texte traduit par Baïla Amadou Traoré, Citoyen Prétendument engagé, aidé du service de traduction Deepl.